Nouvelles dispositions légales sur l’acquisition de congés payés en arrêt maladie
Loi dite DDAUE n°2024-364 du 22 avril 2024, article 37, JO du 23 avril
Le Code du travail a été mis en conformité avec le droit de l’Union européenne en matière d’acquisition des congés payés en cas d’arrêt maladie, accident du travail ou maladie professionnelle.
Cette Loi qui a été promulguée à la suite du revirement de jurisprudence de la Cour de cassation du 13septembre 2023 (Cass. Soc. 13 septembre 2023, n° 22-17.340 et 22-17.638 ; Cass. Soc. 13 septembre 2023, n° 22-10.529) prévoit de nouvelles règles d’acquisition de congés payés en cas d’arrêt de travail pour maladie quelle qu’en soit la raison.
Pour vous faciliter la compréhension de cette loi complexe, nous avons structuré cette fiche en quatre parties, chacune illustrée par des exemples concrets. L’acquisition des congés payés en cas d’arrêt maladie (I), le report des jours de congé et le devoir d’information de l’employeur (II), les droits aux congés pour les périodes antérieures à l’entrée en vigueur de la Loi (III) et, les recommandations pratiques avec quelques conseils et un exemple de lettre de réclamation (IV).
Acquisition des congés payés en cas d’arrêt maladie
Désormais, le Code du travail stipule expressément que les périodes pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’arrêt de travail lié à un accident ou une maladie, professionnel ou non, sont considérées comme des périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé, quelle que soit la durée de l’absence.
La durée du congé annuel auquel le salarié a droit pendant cette période est de:
2,5 jours ouvrables par mois, soit 30 jours ouvrables par période de référence d’acquisition, pour la maladie ou accident d’origine professionnelle;
2 jours ouvrables par mois, dans la limite d’une attribution de 24 jours ouvrables au titre de l’absence pour maladie ou accident d’origine non professionnelle, par période de référence d’acquisition des CP, ce qui signifie que le salarié ne bénéficie pas de la cinquième semaine de congés payés mais, uniquement du congé principal constitué des quatre premières semaines.
Sont assimilées à un mois de travail effectif pour la détermination de la durée du congé les périodes équivalentes à quatre semaines ou vingt-quatre jours de travail.
Ainsi, toute absence inférieure ou égale à ces durées n’a pas d’incidence sur l’acquisition des congés payés (dans ce cas, le salarié acquiert 2,5 jours ouvrables de congés payés).
Exemples pour illustrer les nouvelles règles d’acquisition:
Concernant la période de référence allant du 1er juin 2024 au 31 mai 2025 (dans l’hypothèse où votre entreprise applique cette période légale d’acquisition des CP):
Si un salarié est malade pendant toute la période d’acquisition des congés payés du 1erjuin 2024 au 31 mai 2025: il acquiert en tout 24 jours ouvrables de congés payés.
Si un salarié est absent pendant une partie seulement de la période de référence:
Il convient d’appliquer deux méthodes de calcul, une pour les périodes où le salarié est présent dans l’entreprise pour lesquelles il acquiert 2.5 jours ouvrables de CP et une autre pour les périodes où le salarié est arrêté pour maladie pour lesquelles il acquiert 2 jours ouvrables seulement par mois.
Dans cette situation, le salarié peut donc acquérir plus de 24 jours ouvrables de congés payés.
Dans ce deuxième exemple, le salarié tombe malade du 1ernovembre 2024 au 31 mai 2025:
→ Pour la période de travail effectif allant du 1er juin 2024 au 31 octobre 2024, il acquiert 2.5jours de congés payés par mois de travail effectif, soit 12,5 jours ouvrables de congés payés.
→ Pour la période d’arrêt maladie, il acquiert 14 jours ouvrables de congés payés (2 jours pour chacun des 7 mois d’absence).
Dans ce cas précis, le salarié acquiert 26,5 jours ouvrables de congés payés sur la période de référence.!
Pour la période antérieure à l’entrée en vigueur de la loi (24 avril 2024), le salarié ne peut acquérir plus de 24 jours ouvrables de congés au titre de la période de référence d’acquisition, après prise en compte des jours déjà acquis avant la maladie.
Report des jours acquis et information de l’employeur
L’employeur est soumis à une obligation d’information du salarié
Après chaque arrêt maladie, à la reprise du travail par le salarié, l'employeur est désormais tenu de porter à sa connaissance certaines informations, dans le mois qui suit cette reprise par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment au moyen du bulletin de paie: le nombre de jours acquis et la date jusqu'à laquelle ces jours de congés peuvent être pris.
Sous réserve de dispositions conventionnelles plus favorables, le salarié bénéficie d’une période de report des congés payés limitée à 15 mois
Le salarié qui n’a pas pu poser tous ses congés au cours de la période de prise des congés payés, pour cause de maladie ou d’accident (professionnel ou non), peut les reporter pendant 15 mois. Au terme de ce délai, les congés payés non pris sont perdus.
Le point de départ de ce délai de report diffère selon la période d’acquisition des congés:
-Congés acquis avant un arrêt maladie: 15 mois à compter de la date de réception par le salarié de l’information des congés dont il dispose, transmise par l’employeur après la reprise du travail.
-Congés acquis pendant un arrêt maladie inférieur à 1 an: 15 mois à compter de la date de réception par le salarié de l’information des congés dont il dispose, transmise par l’employeur après la reprise du travail.
-Congés acquis pendant un arrêt maladie supérieur ou égal à 1 an: 15 mois à compter de la fin de la période au cours de laquelle les congés ont été acquis. Si le salarié reprend le travail alors que la période de report n'a pas expiré, elle est suspendue jusqu'à ce que le salarié ait reçu les informations de l’employeur.
► Cette période de report ne concerne que les congés non pris à l’issue de la période de prise des congés. Si le salarié revient avant l’expiration de la période de prise des congés, il doit les prendre avant la fin de cette période sans report possible.
► Pour les salariés en arrêt d’une durée supérieure à un an pendant toute la période d’acquisition des congés, qui ne reprennent pas le travail à l’issue de la période de report, les congés sont perdus.
Pour illustrer:
Prenons le cas d’un salarié absent pour maladie du 1erfévrier 2024 au 30 septembre 2025.
Les CP s’acquièrent sur la période de référence allant du 1er juin N au 31 mai N+1.
-Jours acquis du 1er juin 2023 au 31 mai 2024
20 jours ouvrables (2,5 jours x 8 mois de travail effectif) acquis avant la maladie,
8 jours ouvrables (2 jours x 4 mois d’absence pour maladie) acquis pendant son arrêt:
Arrêt de moins d’un an au terme de la période d’acquisition (31 mai 2024), donc le délai de report de 15 mois débute à compter de l’information de l’employeur au retour du salarié.
-Jours acquis du 1er juin 2024 au 31 mai 2025
24 jours ouvrables (2 jours x 12 mois d’absence pour maladie) acquis pendant son arrêt:
Arrêt de plus d’un an au terme de la période d’acquisition (31 mai 2025), donc le délai de report de 15 mois débute à compter de la fin de cette même période, et prend fin le 31 août 2026. Après cette date, les 24 jours de congés sont perdus.
-Jours acquis du 1er juin 2025 au 31 mai 2026
8 jours ouvrables (2 jours x 4 mois d’absence pour maladie) en cours d’acquisition pendant son arrêt:
Jours non concernés par le report, car le retour du salarié a lieu pendant la période de prise des CP.
L’indemnisation du congés acquis en maladie ou accident non professionnel:
L'indemnité de congés payés est calculée selon le plus avantageux pour le salarié entre 2 modes de calcul:
•La règle du 1/10: l'indemnité de congés payés est égale à 1/10ede la rémunération brute totale perçue au cours de la période de référence d’acquisition des CP.
Pour le calcul de cette indemnité, la rémunération correspondant aux périodes d'arrêt de travail pour accident ou maladie d'origine non professionnelle est prise en compte à hauteur de 80%.
•Le maintien de salaire: l'indemnité de congés payés est égale à la rémunération perçue si le salarié avait continué à travailler.
Pour les absences consécutives à une maladie ou accident professionnel, le calcul du 1/10 reste inchangé et s’effectue toujours sur la rémunération prise en compte à 100 %.
Quels droits à congé pour les périodes antérieures à la Loi ?
La loi prévoit expressément que, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, ou de stipulations conventionnelles plus favorables en vigueur à la date d'acquisition des droits à congés, les nouvelles dispositions relatives à :
–l'acquisition des congés pendant une période de maladie ou d'accident d'origine non professionnels
–la période de report de 15 mois des congés non pris sont applicables pour la période courant du 1er décembre 2009 à la date d'entrée en vigueur de la loi, le 24 avril 2024.
Toutefois, cette rétroactivité ne peut conduire à ce que le salarié bénéficie de plus de 24 jours ouvrables de congés payés par année d’acquisition des droits à congés, après prise en compte des jours déjà acquis sur cette même période.
Il n’est pas prévu de rétroactivité pour la mesure supprimant la limite d’un an pour l’acquisition des congés durant un arrêt de travail d’origine professionnel.
Pour les salariés toujours en poste lors de l’entrée en vigueur de la loi, soit le 24 avril 2024:
→Acquisition de CP pour des arrêts de travail de moins d’1 an du 1erdécembre 2009 à l’entrée en vigueur de la loi.
Les jours de CP acquis au titre d’une période d’arrêt de travail de moins d’1 an peuvent être pris dans un délai de 15 mois courant à compter de l’information du salarié par l’employeur sans quoi ils sont perdus.
Cette information étant forcément réalisée après l’entrée en vigueur de la loi, le salarié peut réclamer des jours de congés acquis pendant cette période (dans la limite de 24 mois) et ce, dans un délai de 2 ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi.
Si l’employeur ne procède pas à l’information du salarié sur ses droits, le salarié a 2 ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi pour agir en justice.
→Acquisition de CP pour des arrêts de travail d’au moins 1 an du 1er décembre 2009 à l’entrée en vigueur de la loi
Pour les salariés en arrêt de travail, depuis au moins 1 an pendant toute la période d’acquisition des congés, et qui n’ont pas repris le travail avant l’expiration du délai de 15 mois courant à compter de la fin de cette période d’acquisition, les congés payés acquis pendant cette période sont définitivement perdus.
Le salarié ne pourra donc pas les « récupérer », même via une action en justice exercée dans les 2 ans de l’entrée en vigueur de la loi.
Pour les salariés qui ont quitté l’entreprise depuis plus de 3 ans à la date d’entrée en vigueur de la loi, soit avant le 24 avril 2021 :
Compte tenu de la prescription triennale, ces salariés ne peuvent plus agir en justice pour obtenir le paiement d’indemnités compensatrices.
Pour les salariés qui ont quitté l’entreprise depuis moins de 3 ans à la date d’entrée en vigueur de la loi, soit le 24 avril 2024 :
La loi ne prévoit pas de disposition spécifique pour les salariés qui ne sont plus à l’effectif de l’entreprise au moment de son entrée en vigueur.
La DGT estime pour sa part que les règles de report s’appliquent à ces salariés dans la limite de la prescription triennale.
Quelles recommandations?
En premier lieu, il est important d’interroger la direction pour connaitre ses intentions et la date à laquelle elle va régulariser la situation des salariés concernés.
Nous vous conseillons de mettre ce point à l’ordre du jour d’une réunion du CSE pour demander à la direction:
-Un état des lieux chiffré, notamment le nombre de salariés impactés, le coût...
-Sous quel délai elle compte informer les salariés et opérer la régularisation des congés,
-Quelle communication elle prévoit à cet effet.
En votre qualité de délégué syndical, vous pouvez:
-Communiquer auprès des salariés en leur transmettant les éléments de notre fiche,
-Demander l’ouverture d’une négociation sur ce sujet.
A cet égard, voici quelques exemples de propositions à faire:
-fixer une période de report supérieure à 15 mois pour que les salariés qui ont été absents notamment pour longue maladie, ou qui reprennent juste avant la fin de la période de prise des CP puissent effectivement prendre leurs congés.
-modifier, le cas échéant, votre accord CET afin d’augmenter le plafond d’alimentation au moins pour mettre des jours RTT. Compte tenu du nombre de jours de CP que les salariés sont susceptibles de prendre en application de la nouvelle loi, il serait judicieux de négocier le déplafonnement du nombre de jours de RTT pouvant être placés dans le CET (pour rappel, il n’est pas possible d’épargner le congé principal de 4 semaines dans le CET). Il convient aussi de noter que la loi n’autorise pas l’indemnisation du congé principal en dehors de la rupture du contrat.
Lorsque vous êtes saisi par un salarié qui vous interroge sur la marche à suivre:
Vous pouvez lui proposer de faire une réclamation auprès de l’employeur sur la base du modèle ci-dessous:
«Madame/Monsieur,
Par la présente, je sollicite le bénéfice de mes droits à congés payés acquis pendant mon (mes) arrêt (s) de travail pour la (les) période(s) suivante (s): Indiquer la (les) date (s).
Pendant cette (ou ces) période(s), vous avez considéré que je n’avais pas acquis de congés payés.
Or, selon la loi 2024-364 du 22 avril 2024, qui est rétroactive jusqu’au 01/12/2009, les salariés acquièrent des congés payés pendant les arrêts de travail pour maladie ou accident.
Par conséquent, je vous demande de m’octroyer les congés payés acquis durant ma (ou mes) période(s) d’arrêt maladie.
En cas de refus de votre part, je me verrai contraint(e) de saisir le Conseil de prud’hommes pour faire valoir mes droits.
Je vous prie de croire, Madame/Monsieur, en l’assurance de ma parfaite considération.
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